Le blog des décideurs du digital sur toutes les tendances tech, architecture, organisation et produit

Le kit de survie du Product Manager responsable en 4 étapes

Alors que j’étais tranquillement en train de me laisser charmer par la dégustation gratuite de tofu fumé de mon Biocoop l’année dernière, une soudaine prise de conscience a heurté mes convictions : “Est-ce que je fais autant d’effort dans ma vie pro que perso pour réduire mon impact sur la planète ?”.

La réponse était sans appel : j’étais incapable de dire si les produits que j’avais conçus en tant que Product Manager avaient un fort impact environnemental ou pas, au-delà de leur utilité pour mes utilisateurs …

Pourtant, concevoir de manière responsable son produit présente plusieurs avantages :

  • Pour les techs : gagner du temps de développement et limiter la dette technique
  • Pour nos utilisateurs : améliorer l'UX en réduisant leur charge cognitive
  • Pour nos clients : éviter les coûts de développements inutiles et améliorer la maintenabilité de son produit à long terme
  • Pour les PM : être fier d’avoir construit un produit dont l’impact sera limité par une conception responsable

Entre manger moins de viande et concevoir son produit de manière responsable, quelle est la différence ? Je vous livre ici mes apprentissages pour réduire mon impact environnemental en tant que PM.

Untitled (1)-3

1) Arrêtons déjà de concevoir des features qui ne servent à rien !

Selon vous, qu’est-ce qui distingue un PM lambda d’un PM qui pratique l’éco-conception ?

Souvent, notre compréhension limitée des utilisateurs nous pousse à privilégier le développement de fonctionnalités par crainte de manquer de la valeur. C’est précisément cette peur qui marque la différence.

Le PM lambda pense : "Mieux vaut en faire trop que de se priver d’une fonctionnalité à potentielle valeur", tandis que l’éco-concepteur, conscient que 70% des fonctionnalités sont rarement utilisées, cherche à éviter ce gaspillage de temps et d’argent.

A tort, j’ai trop longtemps survalorisé la complétude de mes produits au détriment de l’utilité des features au global. Mais j’ai amorcé une nouvelle manière de voir mon métier. Désormais, à chaque fois que je prends conscience d’un nouveau knowledge gap, ce sont de nouvelles opportunités d’apprendre sur mon produit et de concevoir de manière responsable qui s’ouvrent à moi. 

Cette peur du manque (FOMO) doit être connue du PM pour qu'il puisse la combattre et éco concevoir. 

L’incertitude fait partie intégrante de notre métier. Les conséquences d’un petit doute peuvent être énormes : specs refinement, ateliers techniques, développement, tests. Que de temps perdu, quelle frustration. Surtout, une feature inutile peut détériorer l’expérience de nos utilisateurs en leur ajoutant de la charge cognitive.

Libérons-nous de ces charges mentales inutiles, ayons le courage de dire : "Je ne suis pas sûr de la valeur de cette idée, je préfère soit la creuser, soit ne pas la développer.”

2) Faire de l’impact environnemental un 3ème critère de conception

Une fois sûr de la valeur à apporter, vient la phase la plus difficile : la conception fonctionnelle. On a compris les problèmes des utilisateurs et les objectifs du business, maintenant il faut trouver la meilleure solution pour les deux. L’éco-conception ajoute une troisième variable : l’impact environnemental.

En tant que PM, notre impact le plus néfaste pour la planète réside dans le fait de prioriser des fonctionnalités qui consomment beaucoup de ressources et d’énergies. Pour éviter cela, mon tech lead m’aide à comprendre l’impact technique de chaque solution proposée. L’objectif de notre réunion : trouver l’équilibre entre valeur utilisateur, coût de développement et impact environnemental.

Untitled (3)-3

Il s'agit de projeter les différents risques pour chaque solution : nombre d’appels générés, ressources nécessaires, production et envoi de données, etc. Si une fonctionnalité nécessite beaucoup d’énergie et n’est pas indispensable, nous choisissons de ne pas la développer. Si elle l’est, nous cherchons des moyens d’atténuer son impact. L’objectif est toujours de passer d’une zone de challenge à une zone de production.

Ce modèle convient à mon rôle de PM dans une agence de service. N’hésitez pas à l’adapter selon votre contexte. 

3) Arrêtons d’accumuler des données qu’on n’utilisera pas ! 

Pour mesurer l’impact de nos features, il est monnaie courante de collecter de la donnée. Mais comme toute monnaie, sa surproduction a des effets néfastes (stockage, calculs, ressources nécessaires pour faire tourner une appli).

Pour bien concevoir son produit, il est nécessaire de savoir mesurer son succès. Mais concevoir de manière responsable, c’est savoir anticiper l’usage de la donnée avant de l'analyser.

Pour réduire l'impact environnemental des données qu'on collecte, il faut éviter l'effet brunch :

  • Pour réussir son brunch, on achète plein d’aliments différents en petites quantités.
  • Mais on a peur de manquer. Alors on achète trop.
  • Arrivé à table, il y a tellement choses à manger qu’on a peur de ne pas pouvoir tout goûter.
  • Résultat : on a plein de restes qu’on va stocker, et on laisse cette boîte de tzatzíkis pourrir dans le frigo pendant des semaines.

Pour la data, c’est pareil. On a peur de manquer de données pour mesurer le succès, alors on collecte plus que de raison, on finit par en avoir trop et ne plus comprendre comment les analyser. Résultat : l’analyse est pénible, longue, fastidieuse, et les données inutilisées sont stockées pour rien.

Est-ce vraiment si intéressant que ça de vérifier chaque jour que 300 000 utilisateurs (chiffre fictif) ont consulté la page des Conditions Générales d’utilisation d’Airbnb ? Le mystère reste entier.

Assurons-nous d’avoir suffisamment précisé nos objectifs produit avant de collecter des données qui ne serviront pas.

4) Un utilisateur informé, une planète sauvée

Bien que chaque fonctionnalité soit censée servir nos utilisateurs, ces derniers sont libres de les utiliser à leur guise. Si vous devez mettre en production des fonctionnalités à faible valeur mais à fort impact environnemental, vous pouvez le réduire en sensibilisant vos utilisateurs aux conséquences de leurs actions.

Les exemples de boîtes qui sensibilisent leurs utilisateurs à leur propre sobriété numérique sur leur site sont rares mais toujours inspirants.

  • Backmarket le fait très bien en montrant les coûts environnementaux évités à la société.
  • Ecosia compte le nombre d'arbres plantés grâce aux recherches.
  • On pourrait imaginer que Notion ou Facebook, au moment de télécharger toutes ses données personnelles (publications, photos etc.) alertent ses utilisateurs sur la lourdeur d’une telle requête.

Attention, afin que cet exercice ne soit pas culpabilisant pour ceux qui vont utiliser notre produit in fine, la forme compte plus que le fond. Adoptez un ton neutre, descriptif, informatif. Quand on parle d’impact, il y a deux possibilités pour toucher les gens : trouver des équivalents qui soient parlants (ex : la pollution de l’air tue 300 000 personnes en France chaque année, soit l’équivalent de la ville de Nantes) ou la comparaison (un trajet en avion génère environ 100 fois plus de CO2 qu'un trajet en train pour la même distance).

 

Mes apprentissages en synthèse

Voici mes tips pour réduire son impact environnemental en tant que Product manager. Si tu veux creuser un point, n’hésite pas à me contacter directement 🙂 !

1. 👉 La première étape pour éco-concevoir son produit, c’est d’avoir le courage de killer des idées ou des features dont on n’a pas su étayer la valeur ou le succès au moment de la concevoir.

2. 👉 Faire de l’impact environnemental un 3ème critère de conception. Sensibilisons les techs et les designers aux bonnes pratiques relatives à leur métier, afin de trouver les meilleurs compromis pour atteindre l’équilibre : valeur utilisateur, coûts techniques, et impact sur l’environnement. Un produit conçu de manière responsable est un produit ingénieux.

3. 👉 Ne collectons seulement les données qui contribueront à la mesure du succès de nos features.

👉 Pourquoi ne pas supprimer les données stockées qui ne servent plus ?

👉 Si la data nous sert à prendre des décisions, alors ayons le courage de supprimer les features qui n’ont pas atteint le succès espéré.

4. 👉 Informons nos utilisateurs de l’impact de leurs actions coûteuses pour l’environnement